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Un printemps arabe qui se fait toujours attendre au Maroc
De nombreuses mobilisations ont traduit le besoin de changement, sans réussir à imposer des réformes profondes du régime.
Pour certains observateurs, le Maroc serait une exception en raison du multipartisme et des formes d'ouvertures politiques opérées depuis deux décennies mais aussi de «l'épaisseur historique» de l'état makhzen et de sa capacité à s'ajuster aux transformations sociales. En d'autres termes, le pouvoir malgré la crise sociale, les inégalités sociales criantes, son despotisme institutionnel aurait la capacité de réguler les contradictions qui émergent, de neutraliser les oppositions et de canaliser les revendications.
Pourtant, il y a lieu de se demander s'il s'agit d'une situation d'exception historique ou de sursis conjoncturel. Au Maroc, un processus de délégitimation du pouvoir absolu est enclenché et les éléments d'une rébellion sociale et démocratique sont en train de s'approfondir, de s'accumuler et se combiner, au-delà des apparences immédiates. Sans que l'on puisse prédire les rythmes et les formes d'un soulèvement populaire. Une révolution nait quand « ceux d'en bas » n'acceptent plus d'être gouvernés comme avant et quand « ceux d'en haut « n'arrivent plus à imposer et légitimer leur pouvoir. Or plusieurs facteurs tendent à faire émerger « ce possible ».
Une crise économique sans précèdent
Le rapport social de l'ODT note:
«Le déficit du compte courant de la balance des paiements a atteint 62,8 milliards de DH soit 10% du PIB. Déficit très lourd et jamais inégalé, en plus d'un déficit commercial aux alentours de 22% du PIB, soit 183 Milliards de DH et un taux de croissance ne dépassant pas les 2,8% ; tandis que le taux d'endettement a atteint 65% du PIB soit 196 milliards de DH soit 6,8 milliards de plus que 2011 et l'endettement public continue sa progression en flèche, en hausse actuellement de 8,5%. La dette globale (intérieure et extérieure) a atteint 583 milliards de DH dont celle de l'administration centrale qui représente désormais 56,8 du PIB au lieu de 53,7 à la fin de l'année 2011».
Sans parler de la contraction des activités dans une série de secteurs, le recul des investissements, la fragilité du système bancaire. Il faut cependant aller au-delà des chiffres ou d'autres indicateurs.
Le propre des accords de libre-échanges signés avec l'Union européenne et les USA, c'est de mettre en concurrence directe des économies à productivité différente, des nains contre des géants dans un ring sans arbitre. L'année 2013 est d'abord la fin des accords intérimaires et progressifs, laissant place aux mécanismes d'une concurrence généralisée dont le coût social va être majeur dans la décennie à venir. Les politiques d'ajustement structurel imposées dans les années 80, malgré leur violence sociale, ne sont rien en comparaison des «réformes» exigées, sans compter les exigences des institutions financières internationales en raison des prêts récemment accordées. Cette contrainte structurelle va déterminer l'horizon économique dans un espace-temps court.
L'autre élément à prendre en compte est la nature durable de la crise du capitalisme mondial et la manière dont elle affecte l'union européenne qui apparait comme le maillon faible des puissances dominantes. L'économie locale fortement dépendante ne peut s'appuyer sur une croissance des exportations et une diversification des marchés et, sur le plan interne, sur une consolidation du secteur productif et du tissu économique fortement exposés à la concurrence internationale. Un véritable n½ud coulant est en train de se mettre en place accentué par les politiques « de lutte contre les déficits publiques », qui ne sont en réalité, que des politiques d'austérités généralisées dont l'effet majeur est de renforcer la récession...