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Ces femmes victimes oubliées de la guerre contre al-Qaida
La lutte contre le terrorisme a ses victimes collatérales. Les familles des hommes suspectés de lien avec la nébuleuse djihadiste al-Qaida, sont rarement pris en compte dans la gestion de cette guerre extraterritoriale.
Pour la première fois, un essai rend hommage à ces femmes oubliées de la guerre contre le terrorisme: Shadow Lives: The Forgotten Women of the War on Terror, écrit par Victoria Brittain.
Les femmes de prisonniers, spectatrices impuissantes de cette guerre contre le terrorisme, sont restées dans l'ombre. Des enfants à charge, elles ont dû s’organiser sans leur mari. Avec toutefois l’espoir que celui-ci sorte un jour de prison.
Quand Ragaa croise le regard d’Adel Abdul Bary dans une rue du Caire dans les années 80, elle s’ imaginait vivre une vie paisible, faire des enfants et vieillir au côté de cet homme flanqué d’un turban.
Adel revient au Caire après un an d’étude au Yémen et le mariage islamique a enfin lieu entre les deux tourtereaux. Leur vie de jeunes mariés avait à peine commencé qu' Adel est arrêté, à l’instar de tous les opposants au régime Moubarak.
Le calvaire commence pour Ragaa. Pendant six mois, elle cherche à savoir ce qu’il se passe. Pourquoi son mari-a-t-il été arrêté? Pourquoi est-il torturé? Quand va-t-il sortir? Des questions qui demeurent, jusqu’à aujourd’hui, sans réponses. Fidèle, têtue, Ragaa décide de l'attendre, malgré les tensions entre les deux familles.
Lorsqu’Adel sort de prison, Ragaa croit à un nouveau départ. En 1990, son mari, diplômé de droit en prison, obtient son statut de réfugié au Royaume-Uni.
Ragaa et les enfants le retrouvent. Et pendant cinq ans, ils vivent une vie de famille étonnement douce et paisible.
«Il a tout fait, tout, pour moi et les enfants, ici à Londres», confie-t-elle. «Et j'ai été heureuse parce qu'il était avec moi, ils jouaient avec les enfants - c'était la vie normale que nous n'avons jamais eu en Egypte.»
A l’été 1998, «la vie normale» vire au cauchemar. Al-Qaida fait exploser les ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie, tuant 220 personnes. Adel est suspecté, arrêté à l’aube devant ses enfants et sa femme traumatisées. Seule, désespérée, Ragaa ne savait alors pas comment prévenir sa famille en Egypte.
Cinq jours plus tard, son mari sort de prison, disculpée par la police britannique. Mais six mois, plus tard, celui-ci est extradé aux Etats-unis pour ses supposés liens avec al-Qaida.
20 ans d’anxiété pour elle, ses enfants. Aujourd’hui, Ragaa vit seule à Londres.
«Ma vie, maintenant, c'est juste mes enfants ... mais peut-être, après 20 ans d'anxiété, peut-être, peut-être, je peux me ressaisir»
Lu sur The Guardian
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