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Cameroun - L'inquiétant projet d'agrobusiness d'une société américaine
Paul Biya, président du Cameroun depuis plus de 30 ans, a été reçu à l’Elysée par François Hollande le 30 janvier 2013. Pour Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace, cette rencontre devrait être l’occasion pour la France de mettre cartes sur table et critiquer ouvertement la politique environementale de ce pays d'Afrique centrale.
Outre le problème général de la déforestation, Julliard s’alarme dans une tribune publiée par The Huffington Post du développement d’«un projet inquiétant» lié à une entreprise américaine ayant obtenu un contrat pour exploiter l’huile de palme dans le Sud-Ouest du Cameroun.
Le projet concerne la société SGSOC, une filiale du groupe américain Herakles Farms dont les concessions sont situées en lisière du parc national de Korup. Il s’agit pour la société de créer une plantation de palmiers à huile de palme d’environ 70.000 ha, rappellent deux ONG camerounaises, le Centre pour l’Environnement et le Développement et RELUFA, dans un communiqué commun.
Or le projet pose de nombreux problèmes. Premièrement, la convention signée avec le Cameroun en 2009 a permis à Herakles d’obtenir un bail de 99 ans «qui prive les habitants de tous leurs droits» selon Julliard. Sur ses concessions, la compagnie jouit même de la liberté de faire justice elle-même. Pas moins de 20.000 personnes vivent sur la zone allouée à la compagnie.
Les différentes organisations présentes sur place ont également constaté de nombreuses irrégularités, notamment dans les études d’impact. Preuve de ces anomalies, la compagnie s’est vue refuser l’obtention du label RSPO, une certification obtenue par la plupart des acheteurs d’huile de palme dans la région.
Pour le Centre pour l’Environnement et le Développement et RELUFA, le projet est à mille lieux des réalités de la population sur place:
«Tout juste quelques années après les émeutes de la faim au Cameroun [2007-2008], et alors que le Cameroun reste loin de conquérir sa souveraineté alimentaire, l’attribution des concessions foncières semble ne pas se soucier de la préservation des moyens de subsistance des populations rurales.»
Sans paler des dommages environnementaux: «La région visée par Herakles est une réserve de carbone essentielle à préserver pour lutter contre le réchauffement climatique. Elle comporte cinq réserves naturelles qui abritent nombre d'espèces menacées, dont des éléphants de forêt et des chimpanzés. Elle est également un corridor de développement soutenu par l'Union européenne depuis plus de trente ans», analyse Julliard.
Greenpeace reproche en particulier à l’entreprise de vouloir raser environ 70.000 hectares de forêts, «soit sept fois la superficie de la ville de Paris».
La compagnie ne donne pas non plus cher des droits fondamentaux des populations locales. Des Camerounais se sont soulevés contre ce projet, nous rappelle Julliard, et certains ont été emprisonnés «dans des conditions inhumaines».
Les manifestants ont dénoncé des exactions policières et de nombreuses intimidations.
«Nous n'arrêterons pas jusqu'à ce que justice environnementale soit faite», avait expliqué Nasako Besingi, le directeur de l’ONG locale «Struggle to Economize the Future» (Lutte pour préserver le futur) interrogé en décembre 2012 par Inter Press Service.
Lu sur Huffington Post et Inter Press Service
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