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La France ne peut plus faire l'impasse sur son passé esclavagiste
Pour le chroniqueur ivoirien Macaire Dagry, la France va avoir bien du mal à gérer les plaintes des descendants d'esclaves pour crime contre l'humanité.
Début janvier 2012, une plainte a été déposée par une descendante d’esclave contre l’Etat français, pour crime contre l'humanité.
Elle s’est appuyée pour cela, sur la loi Taubira du 21 mai 2001 sur l’esclavage, pour formuler sa plainte et demander des réparations pour les préjudices subis.
En effet, l’article premier de la loi Taubira stipule:
«La République française reconnaît que la traite négrière transatlantique ainsi que la traite dans l’océan Indien d’une part, et l’esclavage d’autre part, perpétrés à partir du XVe siècle, aux Amériques et aux Caraïbes, dans l’océan Indien et en Europe contre les populations africaines, amérindiennes, malgaches et indiennes constituent un crime contre l’humanité.»
Cette loi qui s’inspire elle-même du statut de Rome qui définit les règles de la Cour pénale internationale (CPI) et adopté le 17 juillet 1998 par la France, précise que la «réduction en esclavage» est un des cas de crime contre l’humanité.
C’est donc juridiquement, une violation délibérée des droits fondamentaux d’un individu ou d’un groupe d’individus, animée par des motifs politiques, philosophiques, raciaux, religieux.
Une loi moralement approuvée
Il semble évident que, cette loi votée dans la douleur, en 2001, après de rudes batailles au Parlement et parmi les historiens qui étaient divisés, représente une véritable opportunité aujourd’hui pour les descendants d’esclaves.
Quoi de plus normal pour eux, de choisir ce moment, douze ans après ce vote historique, pour demander réparations à ceux qui se sont battus pour la faire voter et promulguer. Le président français, François Hollande et sa ministre de la Justice, dont la loi porte le nom, sont ainsi confrontés à une situation politique à très haut risque.
Ils savent que cette loi est moralement approuvée par la population, mais sensible politiquement, surtout dans son volet «réparation des dommages subis».
Réparations hypothétiques
Sur quelle base calculer aujourd’hui ses réparations? Comment les évaluer? A qui et comment les attribuer? Sous quelles formes? Pendant combien de temps?
Cette question de réparations des dommages subis, il y a plusieurs siècles, au nom de la continuité de l’Etat dans le droit français, est certes légitime mais semble difficile dans son application. Pour deux raisons.
La première est qu’elle est politiquement sensible, parce qu’elle peut ouvrir des droits qui feront jurisprudence et peuvent de fait créer une zone d’incertitude juridique et financière dans laquelle l’Etat français peut s’embourber.
Deuxièmement, cette loi est aussi combattue par certains historiens, parce qu’ils considèrent qu’elle est sélective, politique et démagogique.
Pour eux, elle n’est pas complète parce qu’elle ne tient pas compte de «la traite négrière entre Africains eux-mêmes, et la traite des noirs par les Arabes» qui fut aussi importante que celle faite par les blancs d’Europe ou d’Amérique.
Macaire Dagry (Fraternité Matin)