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CAN 2013: le défi sécuritaire de l'Afrique du Sud
Les Sud-Africains veulent éviter tout incident lors de cette édition de la Coupe d'Afrique des Nations de football. Y parviendront-ils?
Véritable épine dans le pied des organisateurs de la CAN, la question de la sécurité peut s'avérer déterminante pour le bon déroulement du tournoi.
Ne pas décourager les touristes et prévenir les éventuels débordements ou faits divers sordides sera une tâche compliquée pour les autorités.
Il faut dire que l’Afrique du Sud traîne une mauvaise réputation. Celle d’un pays qui, malgré ses innombrables richesses, reste profondément meurtri par les divisions sociales et «ethniques». Un pays qui compterait aussi parmi les plus violents au monde.
Lorsqu’on l’évoque, on pense souvent townships, sida et ultra-délinquance. Et il est vrai que le pays, même s’il n’est pas le plus violent d’Afrique, affiche un nombre considérable d’homicides volontaires par an.
Selon l’UNODC (Office des Nations unies contre la drogue et le crime), le nombre de meurtres en Afrique du Sud était de près de 16.000 (soit 43 par jour) pour la seule année 2010, où était organisée la Coupe du monde de football. Un chiffre qui fait froid dans le dos et qui confirme le réel problème sécuritaire auquel sont confrontées quotidiennement les autorités sud-africaines.
L’Afrique du Sud n’est toutefois par l’enfer sur terre. A côté du Brésil par exemple, qui accueillera la Coupe du monde, en 2014, et qui compte quelques 113 meurtres quotidiens, le pays de Nelson Mandela fait presque office de paradis sécuritaire.
Les chiffres de l'UNODC sont en outre à modérer, car près de 80% des atteintes criminelles à la personne en Afrique du Sud sont encore et toujours commises entre individus qui se connaissent.
Les touristes ne sont en réalité que très peu concernés par ces actes de délinquance comme l’affirmait Le Monde en 2010.
Pas de quoi décourager les organisateurs de la Coupe d’Afrique des nations donc, qui mettent en avant les progrès observés depuis les années 1990 ainsi que la bonne gestion de la Coupe du monde en 2010, et qui se veulent rassurants pour ne pas faire fuir les visiteurs étrangers.
Car cette mauvaise réputation a un véritable coût pour le pays organisateur de la CAN: en 2010, alors que l’Afrique du Sud attendait quelques 450.000 touristes étrangers pour venir assister à la Coupe du monde, ce ne sont finalement que 300.000 personnes qui avaient fait le déplacement.
Un échec retentissant qui avait témoigné de la mauvaise image dont souffre encore le pays, et plus largement le continent.
Jacob Zuma déploie les grands moyens
Fortes de l’expérience (nuancée) de l’organisation de la Coupe du monde en 2010, les autorités sud-africaines ont donc voulu mettre toutes les chances de leur côté pour que le tournoi se déroule dans les meilleures conditions.
D’autant que le président Jacob Zuma, déjà très contesté pour sa gestion calamiteuse des conflits sociaux avec les mineurs ou les ouvriers agricoles, ne pourrait pas se permettre d’échouer au niveau sécuritaire lors de la CAN 2013, un an seulement avant les prochaine élection présidentielle.
Hors de question, donc, de voir se reproduire les évènements du 14 novembre 2012, lorsque des supporters sud-africains avaient agressé le bus des joueurs zambiens, après la défaite (0-1) des Bafana-Bafana face aux Chipolopolos.
De l'Algérie au Sénégal, en passant évidemment par le pays de Jacob Zuma, le phénomène du hooliganisme, s’il reste marginal, tend à prendre de l’ampleur et sera un souci de taille pour les organisateurs de la CAN.
Pire encore, le souvenir de la CAN 2010 organisée en Angola reste dans les mémoires: l’équipe du Togo était alors tombée dans une embuscade en franchissant l'enclave de Cabinda, à la frontière avec la RDC. Une milice avait tiré sur le bus des Eperviers, faisant deux morts et huit blessés au sein du groupe togolais.
Pour répondre à cela, les autorités sud-africaines déploient les grands moyens. Zweli Mnisi, porte-parole du ministère de l’Intérieur, a ainsi déclaré vouloir s’inspirer de l’organisation de la Coupe du monde en 2010 pour prévenir tout débordement.
«Nous ne voulons pas que ce qui s'est passé pour le Togo se produise ici. Nous considérons qu’un incident malheureux comme celui-ci doit être pris comme une expérience pour organiser la CAN», a-t-il déclaré au grand quotidien sud-africain Business Day.
Tribunaux spéciaux, agents formés à la surveillance et à la gestion de la foule, enquêteurs spécialisés. Tout est mis en œuvre, assurent les autorités, pour que la CAN 2013 se déroule dans la sécurité la plus totale.
«Il y a un décalage entre ce qu’on raconte et la réalité»
Pour autant, la Coupe d’Afrique des nations ne doit pas être seulement résumée aux tensions et aux débordements qui se déroulent à sa marge.
Michel, présent comme cameraman lors de la dernière édition en Guinée équatoriale en 2012, casse un peu cette vision simpliste:
«J’étais au courant des évènements qui s’étaient produits deux ans plus tôt en Angola, mais pas particulièrement inquiet. Il y avait quand même un gros dispositif qui avait été mis en place. Des militaires et des policiers un peu partout, un truc bien organisé.»
Si des amis de Michel ont assisté à une grosse bagarre dans un bar de Bata, (deuxième ville et capitale économique de la Guinée équatoriale, où «une fille a terminé avec un tesson de bouteille dans la gorge»), lui n’a pas eu de problème et n’a pas le souvenir de gros débordements pendant la compétition (de violents affrontements au stade de Malabo et de Bata ont pourtant eu lieu durant la CAN).
«Il ne faut pas arriver en terrain conquis, conseille-t-il. Il ne faut pas jouer le colon, c’est comme partout. Lorsque tu es dans un pays sous tension, tu évites d’y arriver en étalant ta richesse. Et si tu restes toujours dans le respect des autres, il n’y a pas de raison que cela se passe mal.»
Pour Alain Mercier, journaliste à l’hebdomadaire français Le Point, la situation en Afrique du Sud n’est pas aussi catastrophique que le veulent les clichés. Présent quelques jours avant le début de la Coupe du Monde 2010, il explique avoir été surpris par les dispositifs sécuritaires mis en place.
«A l’hôtel, il y a avait une double porte pour la chambre. Une première sorte de grille avant la porte d’entrée. Je n’avais jamais vu ça. Dans les rues, c’est pareil. J’étais dans un quartier “normal”, ni pauvre, ni riche, mais il y a systématiquement une grille et une porte dans les magasins. Il faut parfois sonner pour qu’on t’ouvre.»
Alors qu’une nuit à Johannesburg il décide de prendre le bus, il traverse les townships à côté du stade Soccer City. Une expérience qui lui permet de constater que la réputation de l’Afrique du Sud ne reflète pas toujours la réalité.
«Nous n’étions qu’une dizaine à l’intérieur, il faisait nuit, c’était une ambiance a priori assez angoissante. Le lendemain, un chauffeur de taxi m’a traité de fou pour avoir fait ça lorsque je lui ai raconté. Mais pourtant, personne ne m’avait mis en danger. Il y a un décalage entre ce qu’on m’avait raconté et la réalité que j’ai vécu.»
Ambroise Védrines et Antoine Aubry
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