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Centrafrique: François Bozizé joue avec le feu
Même s'il se dit disposé à négocier avec les rebelles du Séléka, François Bozizé n'est pas prêt à céder son fauteuil présidentiel. Le pays semble se diriger vers un scénario à l'ivoirienne.
On peut dire que François Bozizé est chanceux. Grâce à la prompte réaction des troupes du Tchad d’abord, puis de la FOMAC (Force multilatérale d’Afrique centrale) et maintenant de l’Afrique du Sud, il sauve momentanément son pouvoir.
Désormais, il envisage les négociations avec les rebelles à Libreville, avec moins de pression. Mais il est des signes qui ne trompent pas sur la détermination du président centrafricain à s’accrocher au pouvoir.
Bozizé applique le modus operandi de Gbagbo
Il a ainsi activé une jeunesse dite patriotique et même fait appel aux disciples de sa confession religieuse, pour lui venir en aide. Cela rappelle, de triste mémoire, le scénario ivoirien avec Laurent Gbagbo, ses jeunes patriotes et ses évangélistes.
C’est un cocktail extrêmement dangereux, dont l’explosion a donné les résultats que l’on sait: une guerre civile post-électorale avec des milliers de morts.
François Bozizé ne semble pas avoir peur d’emprunter ce chemin sans issue du nationalisme étriqué et des délires mystico-religieux.
En armant des jeunes miliciens à Bangui, la capitale, avec pour mot d’ordre de stopper les «étrangers», en attaquant l’ambassade de France, en impliquant ses coreligionnaires dans le débat politique, Bozizé applique le même mode opératoire que Gbagbo.
Il distille ainsi au sein de la société centrafricaine le poison de la xénophobie dont les conséquences sont toujours catastrophiques. Du reste, on est étonné de voir qu’un dirigeant, qui se dit prêt au dialogue, s’adonne à de telles pratiques mégalomanes.
Pour qui se prend Bozizé?
D’habitude, on n’instrumentalise pas tant une partie de la population, pour ensuite quitter volontairement le pouvoir. Au contraire, c’est pour y rester.
Par cette attitude très aventuriste, Bozizé laisse donc percevoir une croyance ancrée en certains dictateurs: celle d’avoir été choisi par Dieu, pour présider aux destinées de la Centrafrique.
On n’est pas loin des délires d’un certain Jean-Bedel Bokassa, dont Bozizé fut d’ailleurs un zélé serviteur.
Sa dernière trouvaille, c’est d’accuser les rebelles d’extrémistes religieux. Un argument qui, comme on le sait, fait généralement tilt à l’oreille des dirigeants américains. Mais cette fois-ci, le fil semble trop gros, pour prendre.
Il faut donc s’attendre à des négociations très difficiles à Libreville entre une rébellion en position de force et un président qui se croit investi d’un pouvoir divin.
Ces discussions annoncées sont aussi un test pour le président gabonais, Ali Bongo Odimba, appelé ainsi à jouer le rôle qu’affectionnait son père, qui était présenté comme le «sage» de l’Afrique centrale.
En attendant de voir ce que donnera le dialogue promis, il faut craindre que cette nouvelle crise centrafricaine ne laisse des traces indélébiles dans la société: la haine et les divisions alimentées par l’irresponsabilité des dirigeants au pouvoir.
Mahorou Kanazoe (Le Pays)
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