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L'érotisme de Schéhérazade hérisse les islamistes de tout poil

Les Mille et une nuits ou les ingénieuses histoires de Schéhérazade sont à l’honneur à l’Institut du monde arabe (IMA). Ce que l’essayiste Malek Chebel considère comme le manifeste anti-salafiste jamais écrit sert de trame à la grande exposition de l’IMA jusqu’au 28 avril.

«Nous assistons depuis trente ans, dans tout le monde musulman, et désormais dans l’élite européenne, à un gigantesque refoulement de la grande culture arabe classique et populaire, érotique aussi, une véritable démolition d’un passé brillant —« celui de la dynastie des Abassides (sunnites, VIIIe-XIVe), du monde arabo-andalou (Xe-XVe) et des grands réformateurs de l’islam du XIXe et XXe siècle», écrit Malek Chebel.

Selon lui, les orthodoxes de l’islam, les salafistes et une partie des Frères musulmans, veulent revenir à la religion "des pieux ancêtres" —une véritable «régression intellectuelle, qui, en retour, alimente la virulence des Européens contre tous les musulmans», lit-on sur le blog le sexe dans tous ses états du Monde.fr

«Les femmes qui accompagnaient la sultane se découvrirent le visage et quittèrent de longs habits qu’elles portaient par dessus d’autres plus courts. Mais Schahzenan, roi de Grande Tartarie, fut extrêmement étonné de voir que dans cette compagnie, il y avait dix Noirs qui prirent chacun leur maîtresse (...) Les plaisirs de cette troupe amoureuse durèrent jusqu’à minuit.»

Voici le préambule des Mille et une nuits traduit en français par Galland au début du XVIIIème siècle.

Témoin de cette scène, le roi Schahzenan révèle à son frère le sultan Schahriar les orgies de la reine. Poussé par la colère, celui-ci décide d’épouser chaque jour une jeune vierge puis de l’immoler au matin.

Schéhérazade, la fille du grand vizir s’offre au sultan... mais chaque soir Schéhérazade commence le récit de contes si captivants que le sultan renonce à l’exécuter...

Depuis la fixation du texte autour du XIIIème siècle, il n’a cessé de soulever l’indignation des officiels et religieux arabes. Un texte pervers, disent -ils. Pis, le récit original donne une trop grande place à la femme qui par son intelligence déjoue le projet mortifère du sultan.

«Des versions réécrites des Nuits circulent aujourd’hui dans le monde arabe où on a ajouté un narrateur masculin à Schéhérazade. Ils veulent rétablir l’autorité du roi berné. Ils ne supportent pas qu’une femme se montre plus intelligente, cultivée et rusée qu’un homme. Ils détestent qu’elle raconte des histoires d’amour qui dissocient la jouissance et la maternité, l’amour du devoir, et se gaussent des maris», poursuit Malek Chebel.

Lu sur Le Monde.fr

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