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Nord-Mali: intervenir sans les Occidentaux, c'est possible
A l'exemple des troupes du Tchad qui volent au secours de la Centrafrique confrontée aux rebelles, les voisins du Mali peuvent agir dès maintenant pour aider Bamako, sans attendre l'Occident.
La coopération militaire pratique est actuellement en démonstration entre le Tchad et la Centrafrique.
C’est une image de solidarité africaine dans laquelle l’armée tchadienne joue les arbitres pour freiner l’avancée des forces rebelles.
L’on remarque cependant que le Mali, qui a toujours eu du mal à faire face efficacement à la rébellion touarègue, n’a point bénéficié d’une assistance aussi prompte et salvatrice d’un pays africain.
La situation qui prévaut actuellement au Nord-Mali est pourtant de loin plus alarmante pour tout le Sahel que celle à laquelle est confronté le pouvoir de Bangui.
En République centrafricaine, il est question d’un régime en danger, alors qu’au Mali, c’est l’intégrité territoriale de tout un Etat qui est mise en cause, une population qui croupit sous la férule humiliante d’islamistes attardés. Pire, ces fous échappés de l’asile du conflit libyen, menacent la stabilité de la sous-région et, partant, constituent des vecteurs dangereux de la consolidation de l’assise des terroristes en Afrique.
En faut-il davantage pour tirer de leur léthargie les pays voisins du Mali, pour qu’ils prennent la vraie mesure du péril à venir? Ou doit-on se résigner à espérer que le président Idriss Déby et ses troupes aguerries aux combats du désert viennent jouer les Rambo une fois le cauchemar de François Bozizé terminé?
L'exemple du Tchad en Centrafrique
Tels des mendiants victimes de toutes sortes de handicaps irréversibles, les chefs d’Etat africains fondent tous leurs espoirs sur l’aide des Occidentaux dans tous les domaines.
Une assistance qui, non seulement ne leur permet pas de vivre dans l’espoir d’être un jour autonomes, mais aussi se rétrécit comme une peau de chagrin. Jusqu’à quand attendra-t-on une résolution onusienne pour voler au secours des populations maliennes en libérant le Nord de leur pays?
Il est évident que l’équation de la crise malienne a plus d’inconnues que l’opération centrafricaine dont la solution est en passe d’être trouvée à N’Djamena, au Tchad. La nature de l’ennemi, la complexité du territoire occupé et le coût de la logistique à mettre en branle pour faire face à une intervention militaire contre les islamistes, les terroristes et les narcotrafiquants sont sans doute des facteurs qui freinent les ardeurs des pays africains.
Même regroupés au sein de la Cédéao et de l’Union africaine, ils savent pertinemment que l’aventure au Nord-Mali sera une redoutable épreuve de longue haleine dont les séquelles peuvent mettre des décennies à disparaître.
Et au cas surtout où les aléas de ce genre de guerre déjoueront les prévisions de départ, l’UA qui étale déjà son incapacité à réunir les fonds nécessaires et son impuissance à convaincre les partenaires de faire adopter la résolution au plus vite, n’est certainement pas sûre de s’en sortir toute seule.
Le Mali abandonné par ses pairs africains
La prudence dont font montre les pays africains est donc compréhensible. Cette précaution qu’il est sage d’observer ne justifie cependant pas, au regard surtout de l’urgence qu’il y a d’agir, cet attentisme systématique et à la limite nonchalant. Il serait plus digne de leur part de faire le minimum de ménage chez eux, quitte à ce qu’un renfort plus important vienne de l’extérieur.
C’est peut-être pour cela que, se sentant un peu trop abandonné par ses pairs africains, le nouveau Premier ministre malien, Diango Cissoko, n’a pas écarté la possibilité d’envisager une intervention militaire avec les seules troupes maliennes.
Ce serait à la fois dommage et honteux pour le continent si l’armée malienne qui a déjà été mise en déroute par le MNLA, aille une fois de plus à Canossa face aux occupants illégaux actuels du nord du pays, nettement mieux armés que les rebelles touaregs qu’ils ont récemment chassés de leurs positions.
Il ne faut surtout pas se laisser enivrer par les propos optimistes de Romano Prodi, envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies pour le Sahel, pour verser dans une foi béate en une intervention rapide.
En même temps que ce dernier reconnaît enfin que «la négociation ne sera crédible que s’il y a la force» et qu’il est indispensable de préparer l’envoi d’une force militaire au Mali, il précise, comme toujours, que cela doit se faire tout en poursuivant les négociations.
Combien de temps encore
En d’autres mots, accepter le principe de la guerre est une chose, consentir à l’adoption d’une résolution dans ce sens est une autre, et bien plus incertaine, consiste à engager les hostilités. Combien de temps s’écoulera entre ces différentes étapes?
Combien de victimes s’ajouteraient alors aux nombreuses déjà enregistrées en termes de morts, de mutilés, de fouettés, d’endoctrinés et de réfugiés en proie à une indescriptible crise humanitaire? La situation ira en tout cas de mal en pis.
L’ONU est sans doute dans la logique de sa mission de paix qui ne privilégie point la guerre. Aussi entend-elle épuiser toutes les voies pacifiques en pressant le maigre fruit du dialogue jusqu’à la dernière gouttelette du rare jus. Aux premiers concernés, en l’occurrence les dirigeants des pays membres de l’UA, de se rappeler la sagesse qui dit que le meilleur parent d’un homme, c’est-à-dire celui qui est le mieux indiqué pour lui venir urgemment en aide, c’est bien son plus proche voisine.
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