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Pourquoi la kalachnikov est-elle si populaire en Afrique?
La kalachnikov est de tous les conflits armés en Afrique. L'efficacité meurtrière de ce fusil d'assaut tient de sa facilité de maniement et de son coût peu élevé.
Sa silhouette caractéristique est connue dans le monde entier, avec son chargeur courbe surnommé, dans certaines régions, la «corne de gazelle».
Et elle a été de toutes les guerres, de la décolonisation à nos jours. Elle, c’est la kalachnikov, ou fusil d’assaut AK-47.
L’AK-47 et ses nombreux dérivés sont, sans conteste, les armes les plus populaires de tous les temps.
En Afrique, le fusil d’assaut de fabrication soviétique ou ses clones chinois et autres continuent d’être présents dans tous les conflits.
La raison de ce succès est évidente. C’est un fusil d’assaut simple, rustique, mais d’une efficacité meurtrière.
Avec sa capacité de tir de 600 coups par minute et son chargeur de trente cartouches, il confère à son utilisateur une puissance de feu rarement surpassée.
Son imprécision relative n’a guère d’importance dans les combats rapprochés, les affrontements de rues et les embuscades, qui sont les situations où il est le plus souvent utilisé. De plus, il n’est pas nécessaire de suivre une formation poussée pour se familiariser avec son maniement.
L’AK-47 est l’arme idéale du guérillero, du combattant non professionnel. Ce qui ne devrait pas nous surprendre.
Après tout, il a été développé par un sergent de l’Armée rouge (cinquième armée du monde, avec 1,5 million d'hommes) à partir de 1942, et l’objectif était à l’époque de fournir aux troupes soviétiques un fusil capable d’égaler voire de surclasser les équipements de leurs adversaires nazis.
Déjà, avant la kalachnikov, l’armée soviétique avait fourni à ses hommes la PPSh-41, un pistolet mitrailleur d’une grande simplicité et à la cadence de tir encore plus impressionnante que l’AK-47 (900 coups par minute).
La «papacha», comme la surnommaient les soldats soviétiques, contribua grandement à la victoire de l’Armée rouge, et chaque fois que les forces de l’Axe en avaient l’occasion, elles la troquaient contre leurs propres armes.
Cette tradition de rusticité et d’efficacité s’est maintenue, et a joué un rôle évident dans la conception du fusil d’assaut de Kalachnikov.
A quand remontent les premières kalach' sur le continent?
A partir de 1947, l’AK-47 a commencé à équiper les unités soviétiques, et il est entré en action officiellement pour la première fois, en 1956, lors de l’insurrection hongroise.
Dès lors, on l’a vu sur tous les fronts de la guerre froide, et l’Afrique n’a, bien sûr, pas fait exception.
Il est difficile de dater l’entrée des premières Kalachnikov sur le continent africain, mais après les indépendances, dans les années soixante, la plupart des pays nés du départ des colonisateurs se sont équipés à bas prix, auprès de l’Union soviétique, puis de la Chine, qui n’a pas tardé à produire sa propre version de l’AK-47, le Type 56.
A partir de là, il était naturel que ces pays et leurs fournisseurs soviétiques et chinois livrent des armes aux mouvements de guérilla en action un peu partout d’abord pour chasser les ultimes vestiges de la colonisation, comme en Angola et au Mozambique, puis pour lutter contre les dictateurs héritiers de l’ancien régime, ou au contraire les aider à s’imposer.
L’AK-47 a ainsi occupé le devant de la scène dans la guerre de brousse entre l’ANC et les troupes de l’apartheid en Afrique du Sud, dans les affrontements opposant la Swapo (South-West Africa People's Organization) et les Cubains aux Sud-Africains en Namibie.
On l’a également retrouvé aux mains des combattants de la ZAPU (Zimbabwe African People's Union) et de la ZANU (Zimbabwe African National Union) contre le pouvoir blanc en Rhodésie (1965-1979), ou encore au Biafra, de 1967 à 1970, tant dans l’armée nigériane que dans les unités biafraises.
Est-elle vraiment passe-partout?
De nos jours, des versions plus modernes, comme l’AKM et l’AK-74, et leurs déclinaisons aussi bien soviétiques que russes, chinoises ou encore des anciens pays du Pacte de Varsovie (alliance militaire conclue entre les Etats du bloc communiste en 1955, pendant la guerre froide; le but étant de faire contrepoids aux pays de l'OTAN) sont toujours utilisées dans toutes les guerres qui secouent l’Afrique.
L’effondrement de la Libye du colonel Kadhafi n’a pu qu’aggraver cet état de fait, comme le prouve la situation explosive au Mali et dans le nord du Tchad.
La kalachnikov est une arme tout-temps et tout-terrain. Elle est aussi à l’aise dans les sables sahariens que dans les jungles de l’est du Congo et/ou sur les hauts plateaux des Grands Lacs.
Qu’elle vienne à s’enrayer, et il n’est pas difficile de cannibaliser des pièces sur d’autres modèles pour la réparer. Son calibre le plus courant, le 7,62 mm, est omniprésent, et facile à fabriquer dans des ateliers improvisés.
En comparaison, beaucoup des armes produites par les pays occidentaux pour équiper leurs armées et celles de leurs alliés, si elles sont peut-être plus précises et plus sophistiquées, paraissent trop fragiles ou d’un emploi trop complexe, qui nécessite forcément une période de formation plus longue, qu’il s’agisse du FAMAS français ou du M16A2 américain.
A quoi pensait l'inventeur de la kalachnikov?
Surnommée «l’arme la plus infuente de notre temps» par l’auteur et historien britannique Max Hastings, la kalachnikov a incontestablement fait pencher la balance en faveur des forces révolutionnaires dans bien des conflits.
Comme on peut le lire dans un article de Wired, «l’AK est presque partout, et il a bouleversé en profondeur les règles de la guerre moderne, donnant à des bandes de combattants moyennement entraînés et n’ayant que peu de ressources le pouvoir d’affronter, et de vaincre certaines des armées les plus riches et les mieux équipées du monde. [Il] est devenu et est toujours l’arme de Monsieur tout le monde, une réussite —et un fléau— vouer à perdurer encore longtemps au XXIe siècle.»
Quand on pense que son concepteur, Mikhaïl Kalachnikov, aujourd’hui âgé de 93 ans, aurait préféré dessiner, à l’en croire, des machines agricoles, on ne peut que se demander ce que son génie aurait pu apporter à l’Afrique si tel avait été le cas.
Roman Rijka
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